Mexique Canada

Le Mexique possède une longue tradition d’émigration. En 2020, les transferts de fonds envoyés au pays par les Mexicains résidant à l’étranger s’élevaient à environ 40 milliards de dollars des États-Unis, soit près de 4 % du PIB mexicain. Quatre-vingt-quinze pour cent de ce montant provenait des États-Unis, où la diaspora mexicaine compte des millions de personnes. Ces dernières décennies, les flux migratoires du Mexique vers le Canada n’ont cessé de croître, en conséquence de la hausse des effectifs de travailleurs migrants par l’administration canadienne.

Corridor mexico canada

Les nombres

  • Metric mexico canada 01 Augmentation du nombre de travailleurs étrangers titulaires d'un permis de travail temporaire au Canada, 1998 - 2018 x3
  • Metric mexico canada 02 Total des envois de fonds envoyés chez eux par les travailleurs migrants mexicains en 2020 40 milliards de dollars américains
  • Metric mexico canada 03 Salaires typiques des travailleurs agricoles mexicains au Canada par rapport au Mexique x9

Chaque année, le Canada octroie plus de 30 000 permis de travail temporaire à des Mexicains, qui représentent environ 10 % des travailleurs migrants du pays. La majorité de ces personnes sont des travailleurs agricoles recrutés en vertu du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS), en vigueur depuis près d’un demi-siècle. Chaque année, ces personnes – des hommes dans 96 % des cas – se rendent au Canada puis reviennent au Mexique dans le cadre de ce dispositif très populaire administré par le gouvernement mexicain avec des employeurs canadiens. La gestion relativement stricte du PTAS contraste avec la réglementation très souple de l’industrie privée du recrutement qui joue les intermédiaires pour les travailleurs cherchant à trouver un emploi en Amérique du Nord depuis le Mexique.

En dehors du cadre du PTAS, les employeurs canadiens peuvent recruter des travailleurs migrants de n’importe quel pays, à la seule condition qu’employeur et travailleur respectent les différentes obligations en matière d’immigration. Le nombre de travailleurs étrangers arrivant au Canada au titre des programmes de migration temporaire a presque triplé en dix ans. Différents secteurs de l’économie sont désormais tributaires, dans une certaine mesure, des travailleurs étrangers temporaires – la main-d’œuvre étrangère atteignait 26 % des effectifs agricoles en 2017. Le recours croissant du Canada à cette main-d’œuvre étrangère, notamment pour les emplois à bas salaire, a généré des tensions, compte tenu des promesses du gouvernement de fournir des emplois aux Canadiens. Par conséquent, les entreprises doivent présenter une demande d’étude d’impact sur le marché du travail (EIMT), qu’elles estiment coûteuse et laborieuse, pour chaque personne étrangère qu’elles souhaitent recruter, afin de démontrer qu’elles ne peuvent embaucher aucun résident canadien pour le poste concerné (cette obligation s’applique à la plupart des emplois à bas salaire).

Recommandations prioritaires en vue du renforcement des efforts visant à garantir un recrutement équitable

Les autorités mexicaines devraient :

  • réviser le droit du travail fédéral et la réglementation relative aux agences de placement des travailleurs (RACT) afin d’habiliter explicitement le ministère du Travail mexicain à enquêter sur les recruteurs de main-d’œuvre et les intermédiaires, ainsi qu’à les sanctionner;
  • augmenter nettement les investissements dans la surveillance et l’inspection des recruteurs accrédités, et instaurer des mécanismes de recours accessibles et efficaces pour les travailleurs victimes de pratiques abusives et frauduleuses;
  • publier des informations sur le résultat des inspections des agences de recrutement de main-d’œuvre, notamment lorsqu’elles entraînent des sanctions;
  • accroître les ressources des consulats au Canada et donner à leurs fonctionnaires l’instruction claire d’accorder la priorité à la sécurité et la dignité des travailleurs.

Concernant l’administration du PTAS, les autorités mexicaines et canadiennes devraient, conjointement :

  • rendre les critères du PTAS conformes aux normes de l’OIT relatives aux commissions de recrutement et frais connexes, afin de garantir que les travailleurs n’encourent aucuns frais liés à leur recrutement dans le programme;
  • permettre aux travailleurs d’être représentés aux réunions annuelles du PTAS et d’y participer, conformément aux orientations de l’OIT sur les accords bilatéraux;
  • permettre aux travailleurs du PTAS de changer beaucoup plus facilement d’employeur, en éliminant de la procédure de transfert l’intervention de l’employeur actuel.

Les autorités fédérales canadiennes devraient :

  • renforcer la mobilité professionnelle des travailleurs migrants à bas salaire, en supprimant en particulier le permis de travail lié à un employeur spécifique, et leur ouvrir l’accès au statut de résident;
  • veiller à ce que les inspecteurs fédéraux s’entretiennent toujours avec les travailleurs migrants lors des inspections, sans que les employeurs ou les superviseurs soient présents, et leur donner les moyens de communiquer toute menace ou mesure de représailles faisant suite à l’inspection;
  • garantir que les inspecteurs posent des questions sur le paiement du recrutement et de frais connexes par les travailleurs, interdit aux termes du PTET; faire en sorte qu’ils tiennent les employeurs responsables lorsque les travailleurs ont dû verser de tels paiements, notamment à des tiers sous contrat avec les employeurs;
  • fournir un financement fédéral pour l’assistance juridique aux travailleurs migrants, en particulier pour les aider à déposer un recours aux échelons fédéral et provincial et à mettre en œuvre les procédures connexes, notamment l’obtention d’un permis de travail ouvert en cas d’atteintes aux droits humains;
  • réaliser et publier une étude permettant de déterminer si la politique autorisant les consultants en immigration à prélever des commissions aux étrangers présentant des demandes de permis de travail temporaire respecte pleinement l’interdiction des commissions de recrutement et autres frais connexes, adoptée par l’OIT en 2019, afin de prohiber cette politique dans le cas des travailleurs demandant à bénéficier du PTET et d’autres programmes dans le cadre desquels les permis de travail sont liés à des employeurs spécifiques;
  • obliger les consultants en immigration accrédités à fournir des informations aux autorités fédérales sur tous leurs partenaires à l’étranger et les tenir responsables des actions de ces partenaires ; veiller à ce que la nouvelle autorité de contrôle mette l’accent sur l’application ; élargir le mandat de l’ASFC pour qu’elle enquête sur les consultants non accrédités;
  • accorder une importance politique accrue à la coordination entre les échelons fédéral, provincial et territorial de la législation relative au recrutement et à l’emploi des travailleurs migrants, ainsi que de son application.

Les autorités provinciales canadiennes devraient :

  • éliminer les restrictions à la liberté d’association qui empêchent les travailleurs, migrants ou autres, d’exercer leur droit légitime de fonder des syndicats ou d’y adhérer;
  • éliminer les exemptions générales de la législation relatives aux normes en matière d’emploi qui laissent les travailleurs, migrants ou autres, sans protection juridique élémentaire en ce qui concerne leurs conditions de travail, notamment le nombre d’heures de travail, les pauses et les salaires;
  • mettre en œuvre des dispositifs d’accréditation applicables à toute personne ou entreprise impliquée dans le recrutement de travailleurs migrants, lorsqu’ils n’existent pas déjà; obliger les employeurs et les recruteurs à s’enregistrer à l’échelon provincial ; tenir les employeurs et les recruteurs responsables des actions de tiers au cours du processus de recrutement.