Mexique - Canada: Politique Migratoire Nationale
Le Mexique a toujours été une terre d’émigration, point de départ de nombreuses personnes qui se rendent aux États-Unis de manière permanente, temporaire ou irrégulière et jouent un rôle essentiel dans l’économie politique des deux pays. Ces vingt dernières années, la croissance économique du Mexique a amélioré les perspectives du marché du travail sur le sol national pour les citoyens et pour les migrants étrangers, alors que les offres d’emploi se raréfiaient pour les Mexicains aux États-Unis sous l’effet de la récession économique enclenchée par la crise financière de 2008 et d’une application plus stricte des contrôles frontaliers. Parallèlement, les migrations irrégulières depuis l’Amérique centrale vers les États-Unis ont soumis le Mexique, pays de transit de ces migrants, à une pression considérable des États-Unis et de la communauté internationale. Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur l’économie mexicaine et les attentes liées à l’arrivée au pouvoir du gouvernement Biden, moins hostile aux migrants, sont susceptibles d’entraîner une recrudescence des flux migratoires depuis le Mexique vers les États-Unis. La situation des Mexicains et Mexicaines partant travailler à l’étranger ne figure pas parmi les priorités du gouvernement, qui accorde davantage d’attention à la sécurité intérieure et aux difficultés économiques, mais il affiche une nette préférence pour le recrutement bilatéral de gouvernement à gouvernement, plutôt que pour le recrutement par le secteur privé. Aucun dispositif bilatéral n’a été mis en place avec les États-Unis, où les agents de recrutement privés jouent le rôle d’intermédiaires pour octroyer l’accès à des programmes de visas temporaires. En revanche, près de 27 000 travailleurs et travailleuses migrent au Canada tous les ans en vertu du Programme bilatéral des travailleurs agricoles saisonniers établi avec ce pays. La demande est forte pour bénéficier de places au titre de ce dispositif, administré avec rigueur par rapport à l’industrie privée du recrutement, peu réglementée. Le faible taux de participation des femmes au PTAS a fait l’objet de critiques ; ces dernières années, le gouvernement a adopté des mesures visant à rendre les pratiques des fermiers canadiens moins discriminatoires en matière d’embauche.
Plus d’un cinquième de la population du Canada est née hors du pays. Dans le cadre de la stratégie économique du gouvernement Trudeau, le taux d’immigration a progressé, conformément au plan visant à dynamiser la reprise post-COVID-19 en admettant 421 000 nouveaux résidents permanents par an jusqu’en 2023. Outre les dispositifs d’immigration permanente, le gouvernement fédéral gère plusieurs programmes dédiés aux migrations temporaires, dont la responsabilité incombe aux autorités provinciales en matière de normes relatives à l’emploi, de sécurité sur le lieu de travail, de recrutement de la main-d’œuvre et de santé. Le nombre de travailleurs étrangers arrivant au Canada au titre des principaux programmes de migration temporaire, le Programme de mobilité internationale (PMI) et le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), a presque triplé en dix ans. Ces deux dispositifs obéissent davantage à la demande de travailleurs étrangers par les employeurs qu’à des accords bilatéraux avec les pays de départ, à l’exception des accords du PTAS, qui s’inscrivent dans le cadre du PTET. Différents secteurs de l’économie sont désormais tributaires, dans une certaine mesure, des travailleurs temporaires étrangers – la main-d’œuvre étrangère représentait 26 % des effectifs agricoles en 2017, par exemple. Cette dépendance vis-à-vis de la main-d’œuvre étrangère semble entrer en contradiction avec l’engagement pris par le gouvernement de fournir des emplois aux Canadiens. Par conséquent, les entreprises doivent effectuer une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT), qu’elles estiment laborieuse et coûteuse, à chaque fois qu’elles souhaitent confier un poste, généralement à bas salaire, à une personne étrangère. Dans ce contexte, les employeurs se sont dressés contre la pression croissante visant à abolir le régime des permis de travail liés à un employeur donné (ou permis de travail « fermés »), qui lient les travailleurs à un employeur unique. D’après les experts et les militants, ce régime est l’un des principaux moteurs de la précarité des travailleurs et des atteintes aux droits humains qui en découlent. De nombreux travailleurs, y compris parmi ceux inscrits au PTAS, craignent de voir leur contrat résilié s’ils se plaignent de leurs conditions, ce qui entraînerait leur rapatriement et la perte d’un revenu vital pour eux. Le gouvernement a finalement renoncé à la refonte complète du régime des permis de travail fermés et a préféré introduire un permis ouvert pour les travailleurs et travailleuses dénonçant certaines formes d’atteintes aux droits humains. La pandémie de COVID-19 a intensifié le débat national sur la dépendance du pays à l’égard d’une main-d’œuvre migrante dont le caractère temporaire est discutable et a amplifié les appels en faveur de l’accès des travailleurs migrants peu rémunérés au statut de résident permanent et à la nationalité canadienne.
Recommandations au gouvernement mexicain
- Conduire une analyse formelle indépendante des politiques du gouvernement relatives aux travailleurs migrants mexicains employés à l’étranger. Cette analyse devrait recueillir l’avis d’un large éventail de parties prenantes et aborder des sujets tels que la sensibilité aux questions de genre et l’efficacité de la réglementation actuelle du secteur du recrutement.
- Continuer d’étudier les possibilités de nouveaux programmes de recrutement de gouvernement à gouvernement, étant donné que ce type de dispositifs fournit, à l’heure actuelle, une protection supplémentaire aux demandeurs d’emploi et travailleurs migrants mexicains, par rapport à l’industrie privée du recrutement.
- Garantir l’application stricte de l’interdiction faite aux fermiers canadiens participant au PTAS, à partir de cette année, de toute sélection fondée sur le genre. Lors de l’organisation de nouveaux placements pour des travailleurs n’ayant pas été « nommés », privilégier le placement de femmes.
Recommandations au gouvernement canadien
- Améliorer la mobilité professionnelle :
- réétudier les possibilités d’améliorer la mobilité des travailleurs migrants, dans l’optique de supprimer le permis de travail lié à un employeur spécifique, qui joue un rôle clé dans l’apparition de situations précaires chez les travailleurs migrants;
- alléger les démarches administratives associées à la demande d’un permis de travail ouvert pour travailleur vulnérable.
- Élargir l’accès des travailleurs migrants à bas salaire au statut de résident :
- en se servant de l’expérience des programmes pilotes sur l’agroalimentaire et l’aide familiale, élargir les possibilités de résidence permanente pour les travailleurs migrants occupant des emplois à bas salaire répondant à une demande de services constante, notamment en accordant la résidence permanente dès l’arrivée dans le pays, en prévoyant des voies garanties d’accès à la résidence permanente ou en instaurant des solutions de regroupement familial;
- modifier la limite du permis de travail du PTAS, fixée à huit mois, qui empêche l’immense majorité des travailleurs du PTAS d’obtenir la résidence permanente;
- revoir le niveau de langue nécessaire à l’obtention de la résidence permanente afin de le rendre accessible aux travailleurs migrants occupant des postes à bas salaire, et prévoir un financement pour dispenser une formation linguistique aux travailleurs migrants afin de leur permettre de remplir ces conditions linguistiques.