Mexique - Canada: Cadre Législatif Et Réglementaire
Le Mexique est partie à toutes les principales conventions des Nations unies relatives aux droits humains, notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, aux huit conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT) et à la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189). Compte tenu essentiellement de l’ancienneté des flux migratoires de travailleurs depuis le Mexique vers les États-Unis, la Constitution de 1917 comporte déjà des dispositions spécifiques en faveur d’un recrutement équitable, de la gratuité des services de placement des travailleurs, de la nécessité de faire légaliser les contrats avec les employeurs étrangers par une entité administrative et de l’obligation, pour les employeurs étrangers, de prendre en charge les frais de rapatriement des travailleurs. Une réglementation plus détaillée applicable aux agents privés de recrutement de travailleurs migrants a été mise au point relativement récemment : en 2012 et 2014, le Mexique a adopté des modifications importantes de la législation fédérale du travail et de la Réglementation relative aux agences de placement des travailleurs (RACT), respectivement. La RACT réglemente le rôle des agences d’emploi à différents stades de la procédure de recrutement, notamment en ce qui concerne les annonces, la diffusion des informations, la sélection, le transport, le placement et le retour au Mexique. Son application est néanmoins limitée, compte tenu des intermédiaires non officiels qui effectuent l’essentiel du recrutement pour l’Amérique du Nord et qui sont souvent impliqués dans des pratiques contraires à l’éthique et illicites. Un haut responsable nous a déclaré que ce « vide juridique » avait un impact concret sur la capacité du ministère du Travail mexicain à éliminer ces pratiques. Les travailleurs et travailleuses migrant au Canada par le biais du PTAS sont recrutés par le gouvernement plutôt que par des agences privées ; le protocole d’entente bilatéral et le contrat type du PTAS fixent le cadre de ce recrutement réglementé de manière plus rigoureuse.
Le cadre législatif et réglementaire canadien s’appliquant aux travailleurs migrants et au recrutement de la main-d’œuvre émane de l’ensemble des structures de gouvernance fédéralisée du pays, le gouvernement fédéral endossant la responsabilité principale de l’immigration et les autorités provinciales assumant la charge des protections des travailleurs, notamment de la réglementation du recrutement de la main-d’œuvre. L’essentiel du cadre fédéral est fixé par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), qui a subi d’importantes modifications en 2014-2015. Avec son règlement connexe (Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés), cette loi définit les conditions à remplir par les employeurs pour embaucher des travailleurs migrants, dont un certain nombre de mesures visant à garantir l’équité du recrutement. Les consultants en immigration sont également soumis à une réglementation nationale, une loi de 2019 instituant un organe d’autocontrôle aux compétences élargies, qui sera soumis à une « surveillance importante », d’après le gouvernement, pour remplacer l’organe d’autocontrôle qui existait auparavant. Le contenu et la portée de la législation provinciale varient d’un endroit à l’autre : certaines provinces ont des mesures supplémentaires de protection de l’emploi pour les migrants et des critères spécifiques de certification applicables aux agents de recrutement des travailleurs migrants, alors que d’autres appliquent aux travailleurs migrants les normes classiques en matière d’emploi et les dispositions habituelles relatives au recrutement de la main-d’œuvre. La différence de traitement en fonction de la province de destination et l’interaction entre la législation fédérale et la législation provinciale sont source d’une grande complexité réglementaire, avec des provinces où la réglementation et le contrôle sont plus souples qui deviennent des territoires attractifs pour les agents de recrutement et les employeurs dont les pratiques relèvent de l’exploitation. Dans le secteur agricole, qui emploie à foison des travailleurs migrants mal payés, la main-d’œuvre de nombreuses provinces est exclue des principales protections en matière d’emploi, notamment en ce qui concerne les horaires de travail, la rémunération et les congés, mais aussi l’affiliation aux syndicats à cause de restrictions dont la Cour suprême a confirmé la légalité, ce que l’OIT a sévèrement critiqué. Des organisations de la société civile, des syndicats de travailleurs et des employeurs participent activement aux consultations et aux débats du gouvernement, ainsi qu’aux examens parlementaires organisés ces dernières années sur les thèmes du PTET, des consultants en immigration et de la traite de personnes.
Recommandations au gouvernement mexicain
- Ratifier la Convention (n° 181) de l’OIT sur les agences d’emploi privées, 1997.
- Réviser le droit du travail fédéral et la RACT :
- afin d’habiliter explicitement le ministère du Travail mexicain à enquêter sur les intermédiaires et les recruteurs de main-d’œuvre non certifiés, ainsi qu’à les sanctionner ;
- afin d’y préciser que la fraude relative au recrutement de main-d’œuvre est une infraction sur laquelle le ministère du Travail peut enquêter, que les recruteurs ou les intermédiaires qui l’ont commise soient certifiés ou non ;
- afin de garantir que les autorités puissent obliger les recruteurs à fournir une indemnisation financière aux travailleurs, en plus des frais de rapatriement.
Recommandations au gouvernement fédéral canadien:
- Ratifier la Convention (n° 181) de l’OIT sur les agences d’emploi privées, 1997 et travailler avec les provinces et les territoires pour assurer sa mise en œuvre.
- Accorder une importance politique accrue à des groupes de travail aux échelons fédéral et provincial/territorial, afin de coordonner la législation relative aux protections des travailleurs, au recrutement de la main-d’œuvre et aux consultants en immigration ; envisager des possibilités d’élaborer d’un commun accord des normes minimales interprovinciales relatives aux droits et aux protections des travailleurs migrants.
- Lorsque des incohérences dans l’application des normes en matière d’emploi à l’échelon provincial portent préjudice aux efforts du Canada visant à respecter ses engagements aux termes des traités internationaux, étudier la possibilité d’avoir recours aux pouvoirs constitutionnels pour que le Parlement légifère dans les domaines relatifs à l’emploi « déclarés par le Parlement du Canada être pour l’avantage général du Canada, ou pour l’avantage de deux ou d’un plus grand nombre des provinces » (s. 92.10. (c)). Une législation fédérale relative à l’emploi pourrait notamment présenter les avantages suivants :
- permettre aux travailleurs migrants de fonder des syndicats et d’y adhérer dans tous les secteurs d’activité, ce qui serait cohérent avec les engagements internationaux auxquels le Canada est tenu en vertu des conventions (n° 87 et 98) de l’OIT sur la liberté d’association et sur le droit d’organisation et de négociation collective ;
- renforcer les pouvoirs législatifs du gouvernement fédéral pour qu’il puisse obliger les employeurs à indemniser les travailleurs migrants, en veillant notamment à ce que les travailleurs migrants soient considérés comme partie dans les différends entre employeur et travailleur et dans les inspections ;
- élaborer un cadre national pour réglementer, certifier et sanctionner les recruteurs de main-d’œuvre participant au recrutement international de travailleurs migrants, bien que le gouvernement fédéral réglemente déjà les consultants en immigration certifiés, qui participent souvent aux processus de recrutement de main-d’œuvre.
Recommandations aux provinces et territoires du Canada:
- Éliminer les restrictions à la liberté d’association qui empêchent les travailleurs, migrants ou autres, d’exercer leur droit légitime de fonder des syndicats et d’y adhérer.
- Éliminer les exemptions générales de la législation relatives aux normes en matière d’emploi qui laissent les travailleurs, migrants ou autres, sans protection juridique élémentaire en ce qui concerne leurs conditions de travail, notamment le nombre d’heures de travail, les pauses et les salaires.