Mexique Canada

Mexique - Canada: Le mise en œuvre et l’application

Le ministère du Travail et du Bien-être social est le principal organe du gouvernement chargé du recrutement des travailleurs migrants à la recherche d’un emploi à l’étranger, en collaboration avec le ministère des Relations extérieures, entre autres. Au sein du ministère du Travail, la Direction générale de l’inspection fédérale du travail est compétente pour inspecter les agences de recrutement certifiées. Or, des fonctionnaires nous ont déclaré que cet organisme se concentre avant tout sur le respect des normes en matière d’emploi au Mexique, mais que son personnel n’est pas suffisamment formé pour inspecter les agents de recrutement qui placent des travailleurs mexicains à l’étranger. Rien ne prouve l’existence d’un régime systématique d’inspection des agences de recrutement – les organisations de la société civile affirment que le ministère du Travail inspecte rarement les agences de recrutement, même après réception de plaintes, et deux agences de recrutement nous ont déclaré n’avoir jamais été inspectées. Les victimes de pratiques frauduleuses des agences de recrutement ont le droit de dénoncer l’infraction directement aux services de police, mais les autorités n’ont pas fait usage de cette disposition pour assainir l’industrie du recrutement, sauf dans de rares cas ayant affecté un grand nombre de victimes. Le ministère du Travail dispose de ressources et de compétences plus importantes pour le PTAS, qu’il gère à travers son réseau d’agences du service national de l’emploi (SNE), implantées dans tout le pays, en coordination avec le ministère des Relations extérieures et avec ses ambassades et consulats au Canada. Des cas de corruption ont été relevés dans l’administration du PTAS, dans lesquels des travailleurs ont été contraints de verser de l’argent à certains fonctionnaires du SNE qui contrôlent des éléments de la procédure de demande d’accès au dispositif. Des fonctionnaires ont reconnu que ces cas n’étaient « pas rares ». Lorsque des enquêtes ont eu lieu, la révocation semble être la sanction la plus grave à avoir été appliquée. Aucun cas de pratiques de ce type ayant entraîné des poursuites judiciaires à l’encontre de fonctionnaires du SNE n’a été porté à notre connaissance.

La structure fédérale de gouvernance du Canada donne lieu à divers cadres juridiques et mécanismes de contrôle relatifs au recrutement des travailleurs migrants, à l’immigration et à l’emploi, en fonction de la province et du secteur professionnel concernés. Cette diversité peut être source de confusion à l’heure de définir les compétences et les responsabilités, comme la pandémie de COVID-19 l’a bien mis en évidence. Depuis 2015, le ministère de l’Emploi et du Développement social (Emploi et Développement social Canada, EDSC) a pour mission d’inspecter les employeurs afin de déterminer s’ils respectent les conditions auxquelles ils ont l’autorisation d’embaucher des travailleurs migrants dans le cadre du PTET – ils doivent notamment respecter la législation fédérale et provinciale en matière d’emploi et de recrutement, ainsi que de protection du marché du travail canadien. EDSC effectue environ 2 800 inspections par an, ce qui représente la visite de 13 % du total des employeurs inscrits au PTET. Les inspecteurs peuvent émettre des avertissements, des sanctions financières, une interdiction d’accès au PTET ou des révocations des études d’impact sur le marché du travail (EIMT), nécessaires pour embaucher des travailleurs étrangers. En cas d’irrégularité, les entreprises peuvent être citées sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Le programme est conçu pour être « correctif, plutôt qu’accusatoire ». D’après les données disponibles et l’analyse de Marsden, Tucker et Vosko, les inspecteurs ont conclu au non-respect de normes par près de la moitié des employeurs inspectés en 2017-2018, mais, dans la vaste majorité des cas, les manquements ont été résolus par des « mesures correctives » telles que l’indemnisation des travailleurs. Seulement 3 % environ des employeurs inspectés ont été sanctionnés et les amendes ont dépassé 5 000 dollars canadiens (4 100 dollars des États-Unis) dans une poignée de cas seulement, ce qui jette le doute sur la capacité de dissuasion réelle du programme d’inspection vis-à-vis des mauvaises pratiques. Les autorités provinciales effectuent des inspections liées au respect des normes en matière d’emploi, à la sécurité sur le lieu de travail et au recrutement. Des préoccupations ont été soulevées quant au fait que certaines provinces, dont l’Ontario, l’Alberta et le Nouveau-Brunswick, s’attachent davantage à répondre aux plaintes des travailleurs qu’à organiser des inspections préventives, ce qui fragilise la protection par le programme d’inspection des personnes pour lesquelles il est plus difficile de déposer une réclamation – notamment les travailleurs migrants, dont le statut légal est lié à l’emploi. La législation des provinces de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, du Manitoba, du Québec et de la Nouvelle-Écosse permet de tenir les employeurs responsables des actions des agents de recrutement, ce qui devrait renforcer l’adhésion des employeurs aux pratiques de recrutement équitable, en principe. En ce qui concerne le respect de la loi, les poursuites et les condamnations pour fraude de consultants en immigration et pour traite de personnes sont relativement rares – un peu moins de cinq par an pour les fraudes de consultants en immigration et deux ou trois pour la traite de personnes, en moyenne. Les fonctionnaires de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), à la tête des opérations fédérales de lutte contre ces deux problèmes, respectivement, reconnaissent que les enquêtes sur ces infractions prennent du temps et que les victimes sont souvent réticentes à se manifester, compte tenu, d’après les experts, de leur permis de travail fermé. À l’échelon provincial, les enquêtes judiciaires sur des agents de recrutement de travailleurs sont également rares et longues. Quelques-unes seulement ont abouti ces dernières années.

Recommandations au gouvernement mexicain

  • Faire en sorte que l’inspection des agences de recrutement certifiées et les enquêtes sur les plaintes de travailleurs contre des agences de recrutement soient menées par une inspection du travail efficace disposant de ressources suffisantes.
  • Obliger à rendre des comptes tout fonctionnaire du ministère du Travail ou du service national d’emploi accusé d’avoir exigé ou accepté des paiements illégaux en échange d’un accès aux programmes migratoires du gouvernement, y compris par un signalement aux services de police, et rendre publiques les informations disponibles sur le nombre et la nature des cas de ce type recensés.

Recommandations au gouvernement fédéral canadien

  • Entreprendre chaque année un nombre croissant d’inspections d’employeurs, afin d’accroître leur probabilité d’être inspectés ; étudier la possibilité d’augmenter le montant des frais de mise en conformité prélevés aux employeurs afin de financer des inspections supplémentaires.
  • Renforcer les pouvoirs législatifs du gouvernement fédéral pour qu’il puisse obliger les employeurs à indemniser les travailleurs migrants (si possible, en vertu des pouvoirs énoncés à l’article 92.10. (c) de la Constitution) et publier officiellement les informations sur le nombre de cas où des employeurs sont tenus de prendre des mesures correctives, les montants des indemnisations versées aux travailleurs migrants et la nature des irrégularités auxquelles ces montants correspondent.
  • Veiller à ce que les inspecteurs fédéraux s’entretiennent toujours avec les travailleurs migrants, sans que l’employeur ou le superviseur soit présent, pendant les inspections, et fournir aux travailleurs migrants les moyens de signaler toute menace ou mesure de représailles reçue à l’issue d’une inspection.
  • Garantir que les inspecteurs posent des questions pour déterminer si les travailleurs ont versé un paiement pour le recrutement ou des frais connexes, malgré l’interdiction énoncée dans le PTET ; veiller à obliger les employeurs à rendre des comptes lorsque les travailleurs ont dû effectuer des paiements de ce type, même à des tiers sous contrat avec les employeurs.
  • Obliger les employeurs à afficher clairement, sur le lieu de travail, le compte rendu des inspections fédérales achevées, afin que les travailleurs migrants puissent voir les conclusions et les résultats de ces inspections.
  • Accroître les ressources affectées aux enquêtes et aux poursuites relatives à la fraude de consultants en immigration et à la traite de main-d’œuvre, respectivement par l’ASFC et la GRC.
  • Utiliser des groupes de travail aux échelons fédéral et provincial/territorial afin d’améliorer la coordination et l’échange d’informations entre les régimes d’inspection fédéral et provinciaux.

Recommandation aux provinces et territoires du Canada

  • Garantir que les entreprises des secteurs de l’économie où les travailleurs migrants sont fortement représentés soient soumises, de manière régulière et durable, à des inspections préventives du respect des normes en matière d’emploi.