Mexique - Canada: Lutte contre la fraude et les pratiques abusives
Des recruteurs et des intermédiaires privés du Mexique sont impliqués dans des pratiques abusives et frauduleuses généralisées, que le gouvernement n’est pas parvenu à éradiquer à l’heure actuelle, malgré ses efforts. La Constitution mexicaine interdit de prélever des frais de recrutement aux travailleurs migrants, mais les agents de recrutement privés s’adonnent souvent à cette pratique et le contrôle de l’application de cette interdiction légale est extrêmement rare. D’après les enquêtes, jusqu’à 58 % des travailleurs migrant aux États-Unis – où aucun recrutement n’est organisé par le gouvernement – pourraient être contraints illégalement de payer des commissions équivalant à quatre mois (au moins) du salaire minimum mexicain. Beaucoup de travailleurs contractent des emprunts pour verser les commissions de recrutement. Les agents informels non certifiés sont particulièrement susceptibles de prélever des commissions aux travailleurs, mais cette pratique existe également parmi les opérateurs certifiés. Il n’est pas rare que les travailleurs découvrent que les conditions promises avant leur départ du Mexique ne se concrétisent pas à leur arrivée. D’après une enquête du Centro de los Derechos del Migrante effectuée en 2020 auprès de travailleurs mexicains en possession d’un visa H-2A aux États-Unis, 44 % d’entre eux ne percevaient pas le salaire qui leur avait été promis. Souvent, les agents de recrutement font payer des commissions aux travailleurs pour qu’ils obtiennent des emplois qui n’existent pas réellement. Alors que le gouvernement est censé vérifier chaque contrat de travail à l’étranger des travailleurs mexicains, il ne le fait pas, dans la pratique, et les initiatives de contrôles des agents de recrutement non certifiés – qui ont souvent des liens avec les communautés essentiellement rurales au sein desquelles ils recrutent – pâtissent des défaillances du ministère du Travail et de la police. Le prélèvement illégal de commissions aux travailleurs migrants du PTAS, recrutés par le gouvernement, est moins courant et semble se limiter à des cas de corruption parmi les fonctionnaires. Néanmoins, les travailleurs migrants inscrits au PTAS doivent payer tous les ans des frais administratifs et de déplacement liés au recrutement, qui entrent en contradiction avec les normes internationales relatives aux frais de recrutement. Des travailleurs du PTAS, des consulats et des organisations de travailleurs ont également témoigné qu’il n’était pas rare que les fermes ne respectent pas les conditions du contrat type, en particulier concernant le logement et la rémunération.
Toutes les provinces du Canada interdisent aux agents de recrutement de main-d’œuvre de prélever des commissions aux travailleurs ; beaucoup étendent même explicitement cette interdiction aux employeurs. La législation fédérale en matière d’immigration vient renforcer la législation provinciale relative au prélèvement de commissions, et les visas et permis de travail ne peuvent être accordés aux travailleurs sans un contrat de travail signé. Les experts n’en déclarent pas moins, preuves à l’appui, que le prélèvement de commissions et les pratiques frauduleuses associées restent un problème de taille. Le montant versé par les travailleurs varie fortement en fonction du secteur dans lequel ils travaillent, de leur pays d’origine et de leur capacité d’emprunt, mais il se situe habituellement entre 5 000 et 15 000 dollars canadiens (soit entre 4 100 et 12 400 dollars des États-Unis). Dans leurs pays d’origine, une telle somme représente de nombreux mois, voire des années, de salaire. Pour garantir qu’ils acceptent la transaction, il arrive qu’on leur promette, à tort, qu’ils deviendront des résidents permanents. Des enquêtes ont dévoilé l’existence d’agences illicites de travail temporaire jouant à la fois les rôles d’agent de recrutement et d’employeur, qui prêtent leurs services à de grandes marques. Le consulat mexicain nous a déclaré avoir eu connaissance de cas où les employeurs compensent les frais qu’ils ont payés aux agences en prélevant leur montant sur les salaires des travailleurs – qui peuvent avoir déjà payé eux-mêmes des commissions à l’agent de recrutement. Les fonctionnaires provinciaux ont souligné qu’il était difficile de poursuivre les responsables de pratiques de recrutement frauduleuses car, outre le fait qu’ils peuvent se trouver hors des frontières du Canada, ils laissent rarement des preuves du fait qu’ils prennent soin de demander le versement des commissions en espèces et de ne pas signer de contrats. Les travailleurs payent souvent pour des emplois qui n’existent pas et ne découvrent parfois l’escroquerie qu’à leur arrivée au Canada. Le rôle des consultants en immigration dans le versement de commissions illégales est particulièrement problématique. Contrairement aux agents de recrutement, les consultants certifiés ont l’autorisation d’accepter des commissions des travailleurs migrants potentiels pour les aider à suivre la procédure d’immigration. Du fait que les consultants peuvent également intervenir en tant qu’agents de recrutement, une « zone floue » découle de ce double rôle et a été exploitée avec une relative facilité. Comme une personne consultante nous l’a déclaré, « le problème vient du fait que c’est en vendant des emplois qu’il y a de l’argent à se faire ». La Saskatchewan et le Manitoba ont essayé de résoudre ce conflit d’intérêts dans leur législation. De nombreuses preuves attestent d’un autre problème largement répandu, celui des consultants en immigration « fantômes », non certifiés, qui opèrent parfois depuis l’étranger et font souvent payer des commissions aux travailleurs sans leur fournir aucun service.
Recommandations au gouvernement mexicain
- Prendre l’initiative d’enquêter sur les agences de recrutement et les intermédiaires non certifiés, et obliger à rendre des comptes ceux qui soumettent les travailleurs migrants à des pratiques frauduleuses et abusives.
- Travailler avec le Canada pour rendre les critères du PTAS conformes aux normes de l’OIT relatives aux commissions de recrutement et frais connexes, afin de garantir que les travailleurs n’encourent aucuns frais liés à leur recrutement dans le programme. En particulier, les travailleurs migrants ne devraient pas prendre part aux dépenses liées aux visites médicales, aux déplacements, au transport et au permis de travail nécessaires pour leur donner accès à leur emploi.
Recommandations au gouvernement fédéral canadien
- Réaliser et publier une étude pour déterminer si le fait de permettre aux consultants en immigration de prélever des commissions aux étrangers déposant une demande de permis de travail temporaire est pleinement conforme à la définition des commissions de recrutement et autres frais connexes adoptée par l’OIT en 2019, afin d’interdire cette ligne de conduite dans les cas où les travailleurs demandent à adhérer au PTET et à d’autres programmes où les permis de travail sont liés à des employeurs spécifiques.
- Contraindre les employeurs à rembourser aux travailleurs les frais associés aux permis de travail des travailleurs temporaires à bas salaire, conformément aux directives de l’OIT.
- Veiller à ce que le nouvel organe de contrôle des consultants en immigration dispose des ressources suffisantes pour garantir qu’il puisse faire appliquer la législation efficacement et enquêter de sa propre initiative sur les cas d’exploitation chez les consultants, certifiés ou non.
- Multiplier les enquêtes préventives de l’ASFC sur les activités frauduleuses de consultants en immigration, notamment non certifiés.
Recommandations aux autorités fédérales et provinciales canadiennes
- Interdire aux consultants en immigration de participer au processus de recrutement du même travailleur, conformément à la législation adoptée par la province du Manitoba, ou du moins veiller à ce que les consultants en immigration informent le travailleur et l’employeur s’ils leur fournissent des services à tous les deux, et rendre obligatoire le consentement des deux parties.